Des jurys d'agrégation.
Ou :
La pruderie ne sévit pas seulement parmi les agrégatifs puceaux.
Je m'étais déjà préparée psychologiquement à devoir refaire ma garde-robe à la veille de passer les oraux de l'agrégation, en juin prochain. Dans mon immense naïveté, je pensais qu'un tailleur léger mais chic suffirait à satisfaire l'exigence d'une "tenue correcte exigée". Dans mon infini manque de prévoyance, la question des chaussures n'avait pas affleurée mon esprit. Certes, je me doutais bien que je ne pouvais guère me présenter en tongs ou en baskets. Néanmoins, je n'avais pas envisagé qu'une simple paire de sandales puisse poser un problème majeur aux membres du jury d'un concours tel que l'agrégation...
Car, tenez-vous bien, la question de la sandale a fait l'objet d'une mention spéciale dans un rapport de concours récent. J'avoue ne pas avoir eu l'occasion d'en chercher la date exacte. L'auteur — j'ignore s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme — interdisait le port de sandales pour les candidates à l'agrégation, sous prétexte qu'il n'y avait rien de plus indécent que de voir s'agiter le gros orteil de la candidate que l'on interrogeait...
Là, plusieurs réflexions — plutôt désobligeantes — m'assaillent, contre ma volonté, et contre le respect que je dois à un jury par essence oraculaire et sacro-saint... La malédiction de la pucellerie, déjà évoquée maintes fois dans ce blog, sévirait-elle également à ce niveau de la hiérarchie (d'un certain côté, il n'y a pas de raison qu'elle ne le fasse, puisque les membres du jury sont forcément agrégés de Lettres) ? Était-ce là le cri d'un puceau fortement émoustillé — mais contrit et repentant au souvenir de cette pulsion — par la profonde charge érotique de ce gros orteil indécemment dévoilé ? Ou l'expression de la ire d'une vieille demoiselle frustrée devant la tendresse de la chair d'un appendice chez elle depuis longtemps fané ?
Si la simple vue d'un orteil provoque chez les membres du jury de telles poussées de fièvre, que penser du mollet rond que découvre une jupe un peu trop courte, du bras blanc qui s'échappe d'une manche relevée, du coquillage de l'oreille que revèle une mèche de cheveux repoussée ? Faut-il donc adopter un habit monacal, col haut, manches boutonnées sur les poignets, robe de bure tombant jusqu'à terre ?
Faut-il que le jury soit à ce point distrait qu'il focalise sur la tenue du candidat plutôt que sur sa prestation ?
Faut-il s'attendre à trouver, dans un prochain rapport une note concernant les éventuelles odeurs qui pourraient s'échapper des chaussures fermées des candidats, quand Paris est écrasé par la chape de plomb de la canicule bien-connue ?