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11 novembre 2005

Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme

    Dimanche dernier, en compagnie de Mademoiselle Moi, j'ai fait l'acquisition chez un bouquiniste des Puces de Saint-Ouen d'un petit volume dont la lecture — pages piochées au hasard entre les gares — a fait mes délices. J'ai décidé de vous en livrer ici, au gré de ma fantaisie ou de mes humeurs, quelques extraits.

    Il s'agit des Vies des Dames Galantes, de Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme.

    Je venais de croiser son nom au gré des notes de mon édition de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre (au programme de l'agrégation de lettres cette année — car il m'arrive de mettre le nez dans autre chose que les bouquins que je n'ai pas à lire. Parfois).  Mais je m'étais contenté de penser qu'il s'agissait d'un obscur historien de la Renaissance. Errare humanum est, comme dirait l'autre.

    Si on y regarde bien, il a eut une vie plutôt intéressante, ce cher Brantôme. Il fréquenta les cours de Marguerite de Navarre (dont sa mère et sa grand-mère furent dames d'honneur), d'Henri II, de Catherine de Médicis. Il faut soldat, abbé laïque, bourlingueur, chroniqueur. Il participa aux guerres de religion, aussi. Sa Vie des Dames Galantes — qui n'est qu'un des ses volumes de chroniques — fait (d'après ce que j'ai trouvé grâce à mon ami google) : « percevoir Brantôme comme un auteur plutôt léger, faisant oublier ses qualités d'écrivain ». Autant dire que je ne suis pas d'accord (d'ailleurs, je ne ferai pas de pub au site sur lequel j'ai trouvé cette perle, car ils sont, à mon avis, aveuglés par la partialité de leur statut religieux...). Personnellement, je serai portée à accorder à Brantôme le statut de "Morue d'honneur", ou de compagnon de route. Son ouvrage devrait être un bréviaire. Son style est vif, ses anecdotes piquantes, son humour indiscutable. Un vraie langue de vipère. Et il n'y a pas que ces dames qui en prennent pour leur grade, comme vous le verrez peut-être !

    Trêve de bavardages, je vous en livre un extrait :

    ... comme dit Bocace, tant plus on attise un feu et plus il se fait ardent. Ainsi est-il de la femme mariée, laquelle s'échauffe si fort avec son mary, que, luy manquant de quoy esteindre le feu qu'il donne à sa femme, il faut bien qu'elle emprunte ailleurs, ou qu'elle brusle toute vive. J'ay connu une dame assez grande, et de bonne sorte, qui disoit une fois à son amy, qui me l'a conté, que de son naturel elle n'estoit aspre à cette besogne tant que l'on diroit bien (mais qui sait?), et que volontiers aisément bien souvent elle s'en passeroit, n'estoit que son mary, la venant attiser, et n'estant assez suffisant et capable pour luy amortir sa chaleur, qu'il luy rendoit si grande et si chaude qu'il falloit qu'elle courust au secours à son amy : encore, ne se contentant de luy bien souvent, se retiroit seule, ou en son cabinet, ou en son lict, et là toute seule passoit sa rage tellement quellement, ou à la mode lesbiennes, ou autrement par quelque artifice ; voire jusques-là, disoit-elle, que, n'eust esté la honte, elle s'en fust fait donner par les premiers qu'elle eust trouvés dans une salle de bal, à l'escart ou sur des degrez, tant elle estoit tourmentée de cette mauvaise ardeur. Semblable en cela aux juments qui sont sur les confins de l'Andalousie, lesquelles devenant si chaudes, et ne trouvant leurs estalons pour se faire saillir, se mettent leur nature contre le vent qui regne en ce temps-là, qui leur donne dedans, et par ce moyen passent leurs ardeurs et s'emplissent de la sorte : d'où viennent ces chevaux si vistes que nous voyons venir deçà, comme retenans la vitesse naturellle du vent leur pere. Je croy qu'il y a plusieurs marys qui desireroient fort que leurs femmes trouvassent un tel vent qui les rafraischist et leur fist passer leur chaleur, sans qu'elles allassent rechercher leurs amoureux et leur faire des cornes fort vilaines.

Brantôme, Vie des Dames Galantes, Discours IV, article premier "De l'amour des femmes mariées".

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Commentaires
C
Ben justement avec la Goulue hier on parlait romans libertins du XVIIIè... et voilà que tu nous présente un précurseur ;D
S
J'attends avec impatience la réponse des Ledoyen et la prochaine histoire!...<br /> Vive Brantôme la réincarnation de Suétone. <br /> J'aime mieux la petite histoire que la grande...
M
Niark niark<br /> <br /> je vote pour la Morue d'Honneur !
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